https://doi.org/10.25547/B35Y-H096

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Cette observation a été écrite par Caroline Winter, avec ses remerciements à Leslie Chan, John Maxwell et Jefferson Pooley pour leurs commentaires et contributions.

En bref:

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Mots clés libre accès, infrastructure ouverte, communication savante

Au cours de la dernière décennie ou plus, une tendance vers la consolidation du marché a été observée dans l’écosystème des communications savantes, avec moins d’entreprises détenant des parts croissantes du marché. Une étude de Data Think a estimé qu’en 2021, les très grands éditeurs (ceux qui publient plus de 500 revues) ont représenté seulement 0,06% des éditeurs de leur étude, mais ils ont publié près de la moitié – 47% – de tous les articles (Pollock 2022). Cette consolidation croissante du marché a soulevé des préoccupations dans la communauté de la science ouverte et dans la communauté universitaire en général.

Un certain nombre de fusions entre de grands éditeurs et des entreprises associées en 2021 ont incité un commentateur à l’appeler une année de consolidation du marché (Crotty 2021 « Market »). Wiley a eu une année particulièrement active : il a acquis l’éditeur en libre accès Hindawi, l’entreprise de services d’édition J & J Editorial, l’entreprise de logiciels d’édition savante eJournalPress et Knowledge Unlatched, une plateforme et un modèle pour la publication de monographies en libre accès. Toujours en 2021, Springer Nature a acquis Atlantis Press, un éditeur en libre accès basé à Paris, et Clarivate a acquis ProQuest.

La consolidation du marché a poursuivi en 2022 : en mai, Copyright Clearance Center a acquis Ringgold, et en juin, Elsevier a acquis Interfolio, une entreprise de technologie universitaire dont le portefeuille comprend la plateforme de recherche d’emploi universitaire Dossier, la plateforme d’analyse de recherche Researchfish et la plateforme de données administratives Faculty Information System (FIS).

La question de la consolidation du marché et du rôle de la stratégie et la politique corporative dans la science ouverte est complexe et évolue rapidement. Cette observation offre un aperçu des développements récents et met en évidence certaines questions clés liées à la science ouverte.

Monopolisation

En raison de la nature de l’industrie des communications savantes, elle est particulièrement vulnérable à la monopolisation et à d’autres pratiques anticoncurrentielles. En effet, les trois principaux marchés concernés – les revues savantes, les fournisseurs des services de bibliothèque et l’analyse des données de recherche – manquent de transparence en ce qui concerne les prix et les clauses contractuelles (par exemple par le biais des accords de non-divulgation) et sont soumis aux discriminations par les prix au premier degré, où les prix sont déterminés par le montant maximum que chaque client est prêt à payer. De plus, le coût de la commutation entre les produits est très élevé (SPARC 2021 « Opposing »).

À mesure que les entreprises fusionnent, moins d’entreprises détiennent de plus grandes parts de marché, ce qui conduit à des monopoles et des duopoles. La monopolisation peut avoir des effets négatifs sur les consommateurs – dans ce cas, la communauté savante – car elle peut entraîner une hausse des prix, une réduction du choix des consommateurs et une diminution de l’innovation. Un projet de fusion entre les éditeurs éducatifs Cengage et McGraw-Hill Education, par exemple, a été largement contesté par les communautés universitaires et éducatives en raison de ses effets sur le marché des manuels et a été annulé en 2020 en raison de préoccupations antitrust et réglementaires (SPARC 2020).

L’acquisition d’Interfolio par Elsevier a suscité des préoccupations similaires, bien qu’elle ait finalement été couronnée de succès. L’acquisition a concentré la part d’Elsevier sur le marché émergeant des systèmes d’information des facultés (« faculty information systems ») à un point juste en dessous du seuil fixé par les régulateurs antitrust. Il est probable que cette part de marché augmentera puisque Elsevier pourra regrouper ses systèmes d’information des facultés avec ses autres produits, tels que les abonnements à des revues (SPARC 2022, « Executive » et « The Interfolio »), y compris dans le cadre des accords de lecture et de publication (de Knecht 2020 ; Chen et Chan 2021; voir « Accords de libre accès »). Ce regroupement peut entraîner une réduction de contrôle de budgets pour les bibliothèques, par exemple si l’administration d’une université s’abonne à Interfolio dans le cadre d’un forfait qui comprend des abonnements à des revues. Dans ce cas, les bibliothèques perdraient également la capacité de faire progresser le libre accès par le biais de négociations avec les éditeurs, comme l’University of California l’a fait avec Elsevier (SPARC 2022, « Elsevier’s » ; voir « La rupture entre Elsevier et l’University of California » et « Négociations de l’édition à libre accès en Europe »).

Les monopoles ont évincé de petits éditeurs du marché, ce qui a abouti à une perte de bibliodiversité et d’options de publication pour les auteurs (voir Shearer et al. 2020 et « Appel de Jussieu pour la Science ouverte et la bibliodiversité »). Les petites institutions et celles qui ont moins de ressources, y compris celles des pays du Sud, sont également désavantagées.

Une préoccupation connexe est la monopolisation des plateformes, ce qui est le cas lorsque des entreprises individuelles contrôlent les plateformes, les outils et les services qui sous-tendent l’ensemble de l’entreprise de recherche, de la collecte de données à la publication, en passant par l’évaluation et l’examen du rendement, la promotion et la titularisation. Ces systèmes monétisent le cycle de vie complet de la recherche (SPARC 2021 « Opposing »). Une étude de George Chen, Alejandro Posada et Leslie Chan a révélé des tendances claires vers une telle monopolisation ou intégration verticale dans la recherche et l’enseignement supérieur parmi les principaux éditeurs commerciaux (2019).

L’acquisition d’Interfolio par Elsevier et ses autres acquisitions récentes illustrent ce phénomène. Elsevier est l’un des plus grands éditeurs universitaires au monde et a été critiqué pour ses marges bénéficiaires élevées et ses pratiques d’exploitation. En plus de ses activités de publication, Elsevier a acquis le système de gestion de référence Mendeley en 2013, les plateformes de dépôt Social Science Research Network (SSRN) en 2016 et bepress en 2017, le fournisseur des mesures d’impact alternatives Plum Analytics en 2017 et le système de gestion de flux de travail Aries Systems en 2018. Elsevier s’intéresse également aux classements des universités grâce à ses liens avec Times Higher Education, qui produit les World University Rankings (Chen et Chan 2021). La plateforme de données administratives d’Interfolio est un type émergent de plateforme, qui facilite – et recueille des données sur – les demandes d’emploi et les processus d’embauche ; rapports sur les activités du corps professoral; et les processus d’examen, de promotion et de titularisation. Elsevier est en train de devenir ce que Roger Schonfeld appelle une entreprise de flux de travail (2022), qui profite des services de plateforme qu’elle fournit et des données qu’ils génèrent.

La confidentialité des données

La tendance des grands éditeurs universitaires d’acquérir ou de fusionner avec des entreprises de données (par exemple Elsevier et Interfolio ou Clarivate et ProQuest) soulève des préoccupations quant à la façon dont les données recueillies au moyen d’outils et de plateformes de recherche sont utilisées. Les données collectées via des plateformes propriétaires sont soumises aux politiques de confidentialité de l’entreprise et peuvent être vendues à des tierces parties. Par exemple, Elsevier fait partie de l’entreprise RELX, qui vend des données personnelles à l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) des États-Unis via LexisNexis (Biddle 2021; Funk 2019; Lamdan 2022), une pratique qui a été dénoncée et contestée par les communautés juridiques et universitaires (SPARC 2022, « Possible » ; voir, par exemple, #NoTechForICE).

La commercialisation du libre accès et des infrastructures ouvertes

Parce que le mandat des éditeurs commerciaux est de générer des profits, beaucoup préfèrent la voie à libre accès des frais de publication des articles, où les coûts de l’ouverture de la recherche sont supportés par les auteurs, souvent par l’intermédiaire des organismes de financement. Ce modèle économique a été critiqué d’être allé à l’encontre des idéaux du mouvement libre accès et d’avoir exacerbé les inégalités existant dans l’édition savante, puisque seuls les auteurs ayant accès au financement peuvent assumer la publication ouverte de leurs recherches. À mesure que de moins en moins d’éditeurs commerciaux acquièrent plus de contrôle sur le marché de l’édition, les frais de publication peuvent également s’enraciner davantage, au détriment des modèles de financement collectif et d’autres qui soutiennent un accès libre plus généralisé.

En plus de cette commercialisation des modèles d’édition en libre accès, des préoccupations ont été soulevées au sujet de la commercialisation des infrastructures de recherche et d’édition, en particulier l’acquisition, la monétisation et la monopolisation des infrastructures ouvertes. Un exemple clé est celui de Knowledge Unlatched, qui a été fondée en tant qu’organisation à but non lucratif en 2012 mais a été transformée en une entreprise à but lucratif en 2016, une décision qui a été largement critiquée pour son manque de transparence (Gerakopoulou et al. 2021).

Un exemple connexe est l’acquisition de Ringgold par le Copyright Clearance Centre (CCC), une entreprise de licences collectives des droits d’auteur. Ringgold fournit et gère des identifiants pérennes et leurs métadonnées associées pour des organisations. Bien qu’il existe des registres ouverts des identifiants pérennes pour des organisations, tels que le Research Organization Registry (ROR) et l’International Standard Name Identifier (ISNI), Ringgold a des ressources nécessaires pour développer des métadonnées propriétaires pour une désambiguïsation plus robuste. À mesure que les identifiants pérennes sont de plus en plus intégrés dans les flux de travail de recherche, de publication, d’octroi de permis et de financement (voir « Le « Persistent Identifier (PID) Consortium » de Royaume-Uni » et « Mise à jour ORCID : Intégration des identifiants ORCID dans les workflows de financement de la recherche » des registres ouverts, dirigés et financés par la communauté risquent d’être évincés de l’écosystème au profit des systèmes propriétaires.

La consolidation du marché des communications savantes dans la presse

La consolidation du marché est une préoccupation de longue date dans la communauté universitaire, y compris dans la presse universitaire. Un article de 2017 de Marc Couture dans Affaires universitaires traite du rôle des frais de publication dans la monétisation de l’accès ouvert. Il note que ces frais sont autrefois considérés comme une menace, mais le libre accès est devenu une opportunité pour les éditeurs commerciaux de resserrer leur emprise sur le marché et leurs sources de revenus. Un article d’opinion publié en 2018 par Adriane Macdonald et Nicole Eva dans Affaires universitaires traite de la consolidation du marché dans le contexte des pratiques prédatrices dans l’édition universitaire et appelle la communauté universitaire à prendre des mesures collectives pour reprendre le contrôle de l’industrie. Un article dans Research Professional News demande un système d’adjudication ouvert et transparent pour remplacer les négociations secrètes entre les bibliothèques et les éditeurs.

Un article publié en 2019 par Lindsay Ellis dans The Chronicle attire l’attention sur les appels croissants de la communauté universitaire à faire attention à qui détient et contrôle des infrastructures numériques. Un article publié en 2021 par Marshall Breeding dans le magazine American Libraries discute de l’acquisition de ProQuest par Clarivate du point de vue des bibliothèques universitaires, notant que, bien que la fusion offre la possibilité d’une suite complète et intégrée d’outils pour soutenir la recherche, l’expansion de l’entreprise dans les données et l’analyse est une raison de prudence. L’acquisition de Knowledge Unlatched par Wiley a également été couverte dans l’InfoDocket du Library Journal.

Le secteur des technologies éducatives a également abordé le sujet : l’acquisition d’Interfolio par Elsevier a été couverte par ListEdTech, un analyste de marché des technologies éducatives,  et l’acquisition de Knowledge Unlatched par Wiley a été couverte par EdSurge et IBL News.

Les réponses du Partenariat INKE

En 2016, le Réseau canadien de documentation pour la recherche (RCDR), un partenaire d’INKE, a lancé le Projet sur l’utilisation des revues, auquel ont participé 28 organismes membres du RCDR partout au Canada dans le cadre d’une étude sur la façon dont la consolidation à travers l’édition savante affecte les bibliothèques. Ce projet s’étend sur les recherches menées par Vincent Larivière, membre d’INKE, sur la consolidation des éditeurs universitaires, qui est décrite dans une étude comme un oligopole, un marché dans lequel quelques très grandes entreprises dominent une industrie (Larivière et al. 2015).

Dans un mémoire de 2018 pour l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC), Kathleen Shearer, partenaire d’INKE, identifie la consolidation du marché comme l’une des causes principales des coûts d’abonnement aux revues insoutenables. Elle note que les coûts d’abonnement sont les plus élevés chez les grands éditeurs commerciaux, dont les marges bénéficiaires se situent entre 28 et 40 % environ (Shearer, 2018, 3). Shearer souligne que les négociations consortiales et l’action collective des communautés savantes sont des stratégies pour atténuer ces problèmes, et note qu’« Il n’y aura aucun allégement à long terme de hausses de prix tant que nous ne promouvons pas collectivement la transition vers un système de communication savante plus ouvert et que nous n’investissons pas dans une infrastructure et des services plus durables » (8).

En outre, de nombreux partenaires d’INKE développent des outils et des infrastructures ouverts et dirigés par la communauté pour la science ouverte. Par exemple, Coalition Publica, une collaboration entre les partenaires d’INKE Érudit et le Public Knowledge Project (PKP), développe une infrastructure nationale non commerciale et open source pour la communication savante numérique qui combine le logiciel Open Journal Systems de PKP et la  plateforme de publication ouverte d’Érudit. D’autres membres de la communauté publient des revues en libre accès dirigées par la communauté, telles que Pop! Public. Open. Participatory., publié par le Canadian Institute for Studies in Publishing de l’Université Simon Fraser et dirigé par John Maxwell, membre  d’INKE, et IDEAH: Interdisciplinary Digital Engagement in Arts & Humanities, fondé par Alyssa Arbuckle, Lindsey Setter et Ray Siemens et publié par le Canadian Social Knowledge Institute (C-SKI, l’organisme-cadre d’INKE).

Les réactions de l’ensemble de la communauté universitaire élargie

La consolidation du marché des communications savantes est un sujet récurrent dans des publications telles que The Scholarly Kitchen. Bon nombre de leurs articles examinent et analysent les acquisitions. Ces articles comprennent les sujets de l’acquisition de J&J Editorial et Hindawi par Wiley, ainsi que de l’acquisition de ProQuest par Clarivate et de l’acquisition de Ringgold par Copyright Clearance Center. Ils comprennent également la discussion sur l’acquisition de bepress, Aries Systems et Interfolio par Elsevier.

Les auteurs de The Scholarly Kitchen ont également analysé les tendances générales de la consolidation du marché et ses effets potentiels, tels que ses avantages globaux et ses effets négatifs potentiels sur l’édition de sociétés savantes. D’autres articles examinent comment l’industrie de l’édition est en train de changer, en examinant les transformations des éditeurs en « entreprises de flux de travail, la consolidation du marché à la suite du libre accès et la résurgence possible des éditeurs traditionnels.

En réponse à l’acquisition de Knowledge Unlatched par Wiley, le Community-led Open Publication Infrastructures for Monographs (COPIM) a publié une déclaration exprimant son inquiétude quant à la consolidation du marché et, en particulier, aux tentatives croissantes de monétiser et, potentiellement, de monopoliser les infrastructures de diffusion des connaissances ouvertes (COPIM 2021).

Le Scholarly Publishing and Academic Resources Coalition (SPARC) a été une des voix principales dans la communauté universitaire contre la consolidation du marché. Il a analysé les tendances du marché des communications savantes au cours des quatre dernières années et a développé une ressource sur l’acquisition commerciale d’infrastructures de recherche numériques en 2018 avec des mises à jour en 2020 et 2021.

SPARC a également lutté contre la fusion prévue entre Cengage et McGraw-Hill en 2019.  Il a notamment déposé une lettre avec le Department of Justice des États-Unis faisant valoir le fait que la fusion proposée violerait les réglementations antitrust.

En réponse au projet d’acquisition de ProQuest par Clarivate, SPARC a soumis un dossier antitrust à la Federal Trade Commission des États-Unis, ainsi qu’une déclaration en réponse à la fusion réalisée. L’Invest in Open s’est également opposé à cette fusion, soulignant la question du capitalisme de surveillance et évoquant l’appel aux infrastructures ouvertes dans la Recommandation de l’UNESCO sur une science ouverte (voir « Recommandation de l’UNESCO sur la science ouverte »).

La consolidation du marché et la science ouverte

Le changement de l’édition savante imprimée à l’édition numérique, qui a permis le libre accès et la science ouverte – et les infrastructures numériques qui les rendent possibles – a également mené à la collection et à la vente de données des chercheurs et chercheuses (Chen et al., 2019; Larivière et al., 2015). Comme le souligne Lamdan, les monopoles de plateforme entraînent des problèmes éthiques pour les bibliothécaires en particulier, qui doivent tenir compte des besoins de recherche et d’accès des utilisateurs et utilisatrices ainsi que des préoccupations en matière de confidentialité des données (2022).

Certains membres de la communauté universitaire voient la tendance aux monopoles de plateforme et à la commercialisation des infrastructures comme une conséquence du mouvement du libre accès, alors que les éditeurs commerciaux s’éloignent des modèles commerciaux basés sur l’abonnement au profit des services de plateforme et de l’analyse (Schonfeld 2022). Les exigences techniques et pragmatiques des politiques de libre accès telles que le Plan S peuvent être considérées comme favorisant les grands éditeurs dotés de ressources suffisantes et poussant les petits éditeurs à s’associer aux plus grands ou à s’exclure complètement (Crotty 2021 « More »).

La commercialisation des infrastructures numériques qui rendent possible le libre accès est une préoccupation majeure pour l’avenir de la science ouverte (Joy 2019) : comme l’affirment Geoffrey Bilder, Jennifer Lin et Cameron Neylon, tout ce que les mouvements ouverts gagnent en ouvrant du contenu et des données sera menacé si des infrastructures savantes sont fermées (2015).

Cependant, les effets de la consolidation du marché s’étendent au-delà de la science ouverte à l’entreprise de recherche elle-même: dans la déclaration de SPARC sur la réalisation de la fusion entre Elsevier et Interfolio, la directrice exécutive Heather Joseph a averti qu’il devrait être de la plus haute préoccupation que l’entreprise de recherche soit dominée par de moins en moins d’entreprises dotées d’un pouvoir de marché extraordinaire qui contrôlent de grand volume de notre infrastructure numérique (SPARC 2021 « Déclaration SPARC »).

Les conflits d’intérêts sont l’une de ces préoccupations : de moins en moins d’entreprises contrôlent de plus en plus les plateformes et le contenu qui sous-tendent l’ensemble du processus de recherche. Cela signifie que les entreprises qui publient des revues contrôlent les données et les métriques sur lesquelles ces revues sont évaluées. Certains critiques craignent que la métrique d’une entreprise donnée – calculée à l’aide de méthodes et de données exclusives – ne privilégie les revues de cet éditeur. D’autres, comme Ellen Finnie des MIT Libraries, notent que, même si ce n’est pas le cas, ce type de consolidation du marché crée un conflit d’intérêts intrinsèquement problématique (Straumsheim 2016). De plus, les chercheurs et chercheuses des établissements qui s’abonnent à une plateforme de données administratives peuvent faire des choix en fonction du sentiment d’être surveillés, par exemple s’ils croient que le fait de soumettre leur recherche à une revue appartenant à la société-mère de la plateforme de données administratives aura une incidence plus positive sur leur profil que le fait de la publier ailleurs, ou que le fait de postuler à un poste dans un autre établissement par l’entremise de la plateforme Dossier aura une incidence négative sur leur profil (Chen et coll., 2019; SPARC 2022, « Possible »).

Ces discussions soulèvent également des questions plus importantes sur les valeurs liées à la communication savante (voir Chen et Chan, 2021). Samuel Moore note que la consolidation du marché et les oligopoles de l’édition continuant signifient que les valeurs et les pratiques des grands éditeurs influencent fortement ce qui sera l’édition (2021). Les données recueillies auprès des plateformes de recherche peuvent également être utilisées pour déterminer quels types de recherche devraient être financés, ce qui déplace le pouvoir de la communauté universitaire, soulève des préoccupations quant à la liberté académique et renforce les inégalités existantes (Aspesi, 2022; Chen et coll., 2019; Lamdan et coll., 2022; Sly et Koivisto, 2023).

La consolidation croissante de l’industrie des communications savantes et l’essor du modèle de publication en tant que données (Sly et Koivisto 2023) soulèvent des questions sur le rôle des éditeurs commerciaux, qui sont, de plus en plus souvent, également des fournisseurs de plateformes et de services, dans l’écosystème ouvert de la recherche dans son ensemble.

Ouvrages cités

Aspesi, Claudio, Knowledge Equity Lab et SPARC. L’automne 2022. « The High Cost of Knowledge Monopoly. » Unsettling Knowledge Inequities. https://knowledgeequitylab.ca/podcast/s3-ep3/.

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Bilder, Geoffrey, Jennifer Lin, et Cameron Neylon. 2015. « Principles for Open Scholarly Infrastructures. » Science in the Open. Le 23 février 2015. http://dx.doi.org/10.6084/m9.figshare.1314859.

Chen, George, Alejandro Posada, et Leslie Chan. 2019. « Vertical Integration in Academic Publishing: Implications for Knowledge Inequality. » Dans le Connecting the Knowledge Commons: From Projects to Sustainable Infrastructure, sous la direction de Pierre Mounier et Leslie Chan. Laboratoire d’idées. OpenEdition Press. http://books.openedition.org/oep/9068.

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