Cette observation a été écrite par Caroline Winter, avec ses remerciements à Iryna Kuchma et Vincent Larivière pour leurs commentaires et contributions.
En bref:
Titre | Action Plan for Diamond Open Access |
Créateur | Science Europe, cOAltion S, OPERAS, French National Research Agency |
Date de publication | Mars 2022 |
Mots clés | libre accès, politique internationale, la communication savante |
En mars 2022, Science Europe, cOAlition S, Open Scholarly Communication in the European Research Area for Social Sciences and Humanities (OPERAS) et l’Agence nationale de la recherche ont annoncé la publication du document Action Plan for Diamond Open Access (Ancion et al. 2022). Ce plan d’action comprend des recommandations pour soutenir et étendre le modèle du libre accès diamant. Alors que le libre accès doré fait référence aux publications rendues librement disponibles pour lire sur les sites Web des revues (souvent, mais pas nécessairement, subventionnées par des frais de publication d’articles) et que le libre accès vert fait référence aux publications rendues librement disponibles pour un dépôt, le libre accès diamant fait référence à des publications gratuites pour les lecteurs et pour les auteurs (voir “What are the Different Types of Open Access” d’Open Access Australasia).
Les recommandations du plan d’action ont été aviséess par l’Open Access Diamond Journals Study (Bosman et al. 2021), ce qui a été soutenu par cOAlition S et Science Europe et réalisé par un consortium de 10 organisations.
L’étude a révélé que le libre accès diamant est utilisé par entre 17 000 et 19 000 revues dans le monde, ce qui représente environ de 8 à 9 % des articles au total (Bosman et al. p. 47–48). Le libre accès diamant est particulièrement populaire en Europe de l’Est et en Amérique latine, et en termes de domaine d’étude, plus de la moitié de toutes les revues en libre accès diamant sont dans les sciences humaines et sociales (p. 48).
Les revues en libre accès diamant ont tendance à être de petite échelle (publiant moins de 25 articles chaque année), nationales en termes d’auteurs mais internationales en termes de lectorat, et plus multilingues que les revues en libre accès financées par des frais de publication (p. 41–44).
Près de la moitié (42 %) des revues en libre accès diamant sont possédées par des presses universitaires et par d’autres presses appartenant à des universités, 14 % appartiennent à des sociétés savantes et 8 % à d’autres organismes de recherche (p. 79). Comme indiqué par le plan d’action, ces revues incarnent le concept de bibliodiversité parce qu’ils desservent une variété de communautés savantes multilingues, multiculturelles et à petite échelle (Ancion et al. p. 3).
Cet accent mis sur la propriété communautaire présente plusieurs avantages, notamment l’autonomie, la continuité des traditions (par exemple, le modèle du club), la liberté d’innover et la gouvernance communautaire (Bosman et al. p. 83). Cependant, la propriété communautaire contribue également aux défis opérationnels et techniques auxquels de nombreuses revues en libre accès diamant sont confrontées.
L’étude a également révélé qu’en termes de défis opérationnels, bon nombre de ces revues manquent de documentation juridique sur leur statut. D’autres défis incluent l’analyse et le rapport des métriques, la gestion de l’examen par les pairs, l’indexation et la découvrabilité. Bien que le libre accès diamant soit bien aligné sur les principes de la science ouverte et, plus précisément, sur les principes du Plan S, de nombreuses revues en libre accès diamant ne répondent pas aux spécifications techniques que le plan décrit, notamment l’utilisation de licences ouvertes, de DOI et de XML ou HTML et la mise en place des politiques de préservation (voir « Plan S et cOAlition S »). De plus, de nombreuses revues en libre accès diamant de haute qualité ne sont pas indexées dans le Directory of Open Access Journals (DOAJ) pour des raisons techniques ou à cause des limites de capacité (Bosman et al. p. 87).
De nombreuses revues en libre accès diamant comptent sur le travail impayé, et bien qu’il existe certaines infrastructures pour reconnaître ce travail, telles que la Contributor Roles Taxonomy (CRediT) et la Taxonomy of Digital Research Activities in the Humanities (TaDiRAH), elles ne sont pas largement utilisées. La mémoire institutionnelle est un défi connexe, puisque de nombreuses revues s’appuient sur le travail de quelques personnes dévouées dont les connaissances sont perdues lorsqu’elles déménagent ou prennent leur retraite (Bosman et al., p. 90). Les revues dirigées par la communauté manquent également des ressources de grands éditeurs, notamment des budgets de marketing, d’une visibilité plus faible et d’un pouvoir de négociation réduit (p. 35).
En termes de durabilité, bien que les revues en libre accès diamants rapportent des dépenses opérationnelles relativement faibles, elles ont tendance à dépendre du financement par subventions, des dons et d’autres sources de financement contingentes. De nombreuses revues n’ont pas d’idée claire de leur situation financière, et la plupart équilibrent leur budget (40 %) ou rapportent des pertes financières (25 %) au cours d’une année donnée (p. 8). Bien que la diversité des revues en libre accès diamants soit de multiples façons un avantage, cela signifie également qu’il est difficile de trouver des gains d’efficacité et des économies d’échelle dans ces revues. En termes de durabilité, le nombre d’articles publiés dans des revues en libre accès diamant a augmenté lentement entre 2014 et 2018, puis a commencé à décliner, contrairement à la croissance plus forte observée dans les revues basées sur les frais de publication au cours de la même période (p. 31).
Avec le but général d’augmenter la capacité des revues en libre accès diamant, le plan d’action présente des recommandations liées à l’efficacité, aux normes de qualité, au renforcement des capacités et à la durabilité, résumées ici :
- Efficacité : aligner et partager les infrastructures, les systèmes opérationnels et d’autres ressources tout en respectant les différences entre les disciplines et les communautés de recherche
- Normes de qualité : aligner les normes existantes pour développer un cadre de publication international libre accès diamant ainsi qu’un outil d’auto-évaluation pour les revues
- Renforcement des capacités : impliquer et soutenir les parties prenantes en développant une suite d’outils pour la publication des revues en libre accès diamant et en fondant un Capacity Centre for Diamond Publishing à but non lucratif
- Durabilité : développer des cadres pour assurer la reconnaissance et la protection de la propriété et de la gouvernance des revues ainsi que la transparence financière ; assurer que les coûts de publication en libre accès diamant soient répartis et prôner pour un soutien financier plus robuste
Le plan d’action dans la presse
Bien que le plan d’action n’ait pas été largement couvert par la presse universitaire ou populaire, un article à ce sujet dans Research Professional News note que le modèle du libre accès diamant est considéré par les défenseurs et défenseuses comme un moyen pour la communauté universitaire de garder ou de reprendre un plus grand contrôle sur l’édition savante, car de nombreuses plateformes du libre accès diamant sont entretenues par des communautés universitaires ou des sociétés savantes utilisant des bénévoles et des ressources institutionnelles (Bisson 2022).
Le plan d’action et le partenariat INKE
En réponse à l’étude de 2021 intitulée PKP Enables Diamond Open Access, John Willinsky et Juan Pablo Alperin distillent des conclusions de cette étude correspondant au Public Knowledge Project (PKP) et à son logiciel Open Journal Systems (OJS). Trois de ses points clés sont les suivants :
- Etant donné le fait que 60 % des revues utilisent OJS, le PKP a clairement contribué à faire des revues en libre accès diamant une réalité
- Aucune autre plateforme ou outil, à l’exception du courriel, n’est aussi largement utilisé que l’OJS par des revues en libre accès diamant pour leurs opérations, surtout parce qu’elles s’élargissent.
- Aucun autre système n’a autant contribué à soutenir la diversité linguistique ou géographique de l’édition savante qu’OJS (2021).
La réponse souligne également que l’OJS permet la conformité au Plan S, notamment en permettant la conservation des droits d’auteur et des licences lisibles par machine par défaut (voir « Mise à jour du Plan S : la stratégie de conservation des droits »). OJS a également des capacités techniques nécessaires pour attribuer des DOI et publier dans plusieurs formats, et il fournit un guide répondant aux exigences du Plan S. En termes de préservation, le PKP Preservation Network fournit l’archivage des revues utilisant des versions compatibles d’OJS, et PKP s’associe à CLOCKSS, DOAJ, Keepers Registry et Internet Archive pour aider les revues utilisant d’autres versions à préserver leur contenu. OJS agit également comme une plateforme commune pour aider à rationaliser des opérations et des coûts, et ses revues peuvent être indexées et prélevées.
Alperin note également dans un article de Nature que, bien que le modèle libre accès diamant soit populaire et réussi en Amérique latine et dans le Sud global depuis des décennies, la popularité des modèles de publication soutenus par les frais de publication met ce modèle en danger. Notant que les chercheurs et chercheuses d’Amérique latine se sentent pressés de publier dans des revues prestigieuses, souvent soutenues par les frais de publication et basées dans le Nord global, Alperin déclare que des frais de publication engendrent plus de frais de publication. Plus il y a de fonds disponibles pour les payer, et plus il y a de chercheurs et chercheuses qui ont la capacité de les payer, plus des revues se sentiront obligées de les imposer (2022). Il déclare que détourner les fonds alloués aux frais de publication vers des investissements dans l’infrastructure pour soutenir les revues en libre accès diamant conduirait à un contenu de meilleure qualité, à des coûts d’exploitation inférieurs et au prestige plus élevé pour ces revues.
Coalition Publica, un partenariat entre des partenaires d’INKE Érudit et le PKP a publié une déclaration à l’appui du plan d’action en mars 2022. Notant que les revues en libre accès diamant ont reçu des ressources limitées au cours des 20 dernières années, Coalition Publica lance un appel à des organismes de financement et à d’autres organisations à travers le monde, pas seulement en Europe, pour explorer des solutions aux défis auxquels ces revues sont confrontées. Coalition Publica souligne également que ces solutions doivent respecter divers contextes dans lesquels ces revues opèrent, considérant que les actions qui ne soutiennent pas directement la large variété de contextes institutionnels, nationaux et culturels dans lesquels les revues en libre accès diamant opèrent, peuvent par inadvertance diminuer cette forme d’édition savante la plus diversifiée et la plus inclusive (2022). Coalition Publica, Érudit et PKP ont tous endossé ce plan d’action.
Le plan d’action a également été approuvé par Open Access Australasia, un partenaire INKE par le biais du Canadian–Australian Partnership for Open Access (CAPOS).
Le plan d’action et la communauté universitaire élargie
En automne 2022, le plan d’action a été approuvé par plus de 130 institutions de recherche, revues, bibliothèques et associations de bibliothèques, universités, conseils de recherche, organismes de financement et individus du monde entier.
Plusieurs organisations ont publié des déclarations à l’appui du plan d’action, notamment
- l’Academy of Finland
- CESAER
- Cybergeo
- le Deutsche Forschungsgemeinschaft (German Research Foundation)
- Electronic Information for Libraries (EIFL)
- l’European University Association (EUA)
- DOAJ
- Harvard Library
- le Guild of European Research-Intensive Universities
- Helmholtz Open Science
- le League of European Research Universities (LERU)
- le Leibniz-Informationszentrum Technik und Naturwissenschaften Universitätsbibliothek (TIB)
- OpenEdition
- ULAKBIM (Turkish Academic Network and Information Centre)
- l’Universidade d Coimbra
- le Young European Research Universities Network (YERUN).
En septembre 2022, Science Europe a organisé la Diamond Open Access Conference à Zadar, en Croatie, un événement qui a rassemblé des organisations et des individus qui ont approuvé le plan d’action pour discuter des meilleures pratiques et de leur mise en œuvre et pour s’introduire dans le projet Developing Institutional Open Access Publishing Models to Advance Scholarly Communication (DIAMAS). Le projet DIAMAS est dirigé par l’Université d’Aix-Marseille et a été lancé en septembre 2022, avec la participation de cOAlition S et Science Europe. Ce projet de 3 millions d’euros planifié d’être achevé ende trois ans implique 23 organisations européennes et dirigera certaines des initiatives décrites dans le plan d’action. Creating a Robust Accessible Federated Technology for Open Access (CRAFT-OA), financé par Horizon Europe, est un projet fraternel dirigé par la Public Law Foundation de l’Université de Göttingen, avec l’objectif de consolider les infrastructures qui rendent possible la publication en libre accès diamant en Europe.
Kristen Ratan du projet Next Generation Library Publishing de l’Educopia note que, bien qu’il y ait une vitalité particulièrement forte derrière le mouvement de libre accès en ce moment, à la suite du 20e anniversaire de Budapest Open Access Initiative et des recommandations qui l’accompagnent, la Recommandation de l’UNESCO sur une science ouverte, et le Nelson Memo récent des États-Unis, le développement d’infrastructures ouvertes robustes et durables est nécessaire pour faire progresser le libre accès, et ce développement prendra du temps (voir « La recommandation de l’UNESCO sur la science ouverte » et « Le mémo Nelson : Une politique d’accès public mis à jour aux États-Unis »). Ratan déclare que les universités et les organisations à but non lucratif jouent un rôle clé dans le développement des infrastructures ouvertes et dirigées par la communauté demandées dans le plan d’action, et que les consortiums seront importants pour les développer et les déployer à grande échelle. May Copsey discute du rôle des sociétés savantes dans le soutien du libre accès diamant de la même manière dans un article réfléchissant à l’étude de Bosman et al. en relation avec la revue Chemical Science de la Royal Society of Chemistry, qui a est transformée au libre accès diamant en 2015.
Redalyc et AmeliCA, des initiatives de l’University of the State of Mexico financées par Arcadia, développent et promeuvent une infrastructure ouverte, collaborative et communautaire pour la publication et l’indexation des revues en libre accès diamant en Amérique latine. L’objectif de ces projets est d’améliorer la durabilité et la bibliodiversité de l’édition savante.
Dans un article pour le blog cOAlition S, Martin Paul Eve souligne la question de la préservation soulignée dans le rapport et dans le plan d’action comme une préoccupation majeure pour les revues en libre accès diamant, mais note que le problème pourrait être résolu relativement facilement et à peu de frais grâce à l’établissement d’un réseau de préservation numérique développé en collaboration entre quelques organismes de financement (« Diamond Mining »).
Le plan d’action et la science ouverte
Il y a un fort consensus sur le fait que le libre accès diamant est un composant important de l’écosystème de l’édition savante. L’étude de Bosman et al. déclare, par exemple, qu’il est un composant du monde de la diffusion savante qui est aussi ancienne que la science elle-même : la communauté scientifique évaluant la qualité scientifique et gérant seule la communication savante. Bien qu’un thème commun des réponses au plan d’action soit que le soutien à la publication en libre accès diamant est important pour faire progresser un écosystème de science ouvert solide, durable et équitable, mais que cela nécessitera des investissements dans les infrastructures technologiques et humaines.
Un autre thème connexe est que l’édition savante est à un point de basculement, ou ce que Martin Paul Eve décrit comme un carrefour. Il déclare que nous allons succomber à des frais de publication et que l’écosystème de communication savante deviendra encore plus stratifié qu’il a été à ce jour ou nous pourrions embrasser une révolution. De plus, il décrit des revues en libre accès diamant comme cette révolution dans le microcosme (2021).
Vu la prévalence des revues libre accès diamant dans l’écosystème de la communication savante et l’importance de leur modèle de publication pour l’ouverture de la science, la mise en œuvre des recommandations du plan d’action pourrait avoir des effets étendus.
Ouvrages cités
Academy of Finland. 2022. « Academy of Finland Signs Action Plan for Diamond Open Access. » Le 16 mai 2022. https://www.aka.fi/en/about-us/whats-new/press-releases/2022/academy-of-finland-signs-action-plan-for-diamond-open-access/.
Alperin, Juan Pablo. 2022. « Why I Think Ending Article-Processing Charges Will Save Open Access. » Nature, le 12 octobre 2022, https://doi.org/10.1038/d41586-022-03201-w.
Ancion, Zoé, Lidia Borrell-Damián, Pierre Mounier, Johan Rooryck et Bregt Saenen. 2022. Action Plan for Diamond Open Access. Édité par Johan Rooryck et Laetitia Martin. Science Europe, cOAlition S, OEPRAS et l’Agence nationale de la recherche. https://doi.org/10.5281/zenodo.6282403.
Bisson, Robin. 2022. « Funder Groups Announce Push to Strengthen ‘Diamond’ Open Access. » Research Professional News. Le 7 février 2022. https://www.researchprofessionalnews.com/rr-news-europe-infrastructure-2022-2-funder-groups-announce-push-to-strengthen-diamond-open-access/.
Bosman, Jeroen, Jan Erik Frantsvåg, Bianca Kramer, Pierre-Carl Langlais et Vanessa Proudman. 2021. OA Diamond Journals Study, Part 1: Findings. https://doi.org/10.5281/zenodo.4558704.
Coalition Publica. 2022. « Réponse de Coalition Publica au Plan d’action pour le libre accès diamant. » Le 2 mars 2022. https://www.coalition-publi.ca/news-nouvelles/2022/3/1/plan-daction-pour-le-libre-acces.
Copsey, May. 2021. « A Diamond Mission. » Research Information, le 18 mai 2021. https://www.researchinformation.info/viewpoint/diamond-mission.
Eve, Martin Paul. 2021. « Diamond Mining. » Plan S: Making Full and Immediate Open Access a Reality. Le 31 mars 2021. https://www.coalition-s.org/blog/diamond-mining/.
Ratan, Kristen. 2022. « Scaling Diamond OA: Universities as Centers of Open Publishing Excellence. » Educopia Institute: Community Cultivators. Le 8 septembre 2022. https://educopia.org/scaling-diamond-oa/.
Willinsky, John, et Juan Pablo Alperin. 2021. PKP Enables Diamond Open Access: The OA Diamond Journals Study. Public Knowledge Project. https://pkp.sfu.ca/2022/01/27/pkp-enables-diamond-open-access/.