Cette observation a été écrit par Caroline Winter, avec des remerciements à Jennifer Zerkee et Donald Taylor pour leurs commentaires et contributions.
En bref:
Titre | L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) |
Créateur | Gouvernement du Canada |
Date de publication | 1 juillet 2020 |
Mots clés | droits d’auteurs, le gouvernement du Canada |
ACEUM et la prolongation de la période de protection du droit d’auteur en Canada
En vertu de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) (également appelé le US–Mexico–Canada Agreement ou USMCA en les États-Unis et Tratado entre México, Estado Unidos y Canadá ou T-MEC en Mexique), un accord commercial qui comprend un chapitre sur la propriété intellectuelle, Canada s’est engagé à prolonger de 20 ans la période de protection, de la vie de l’auteur plus 50 ans à la vie de l’auteur plus 70 ans. Cette prolongation s’applique généralement à toutes les œuvres (littéraires, dramatiques, musicales et artistiques), telles que « les livres, les journaux, les compositions musicales, les films et émissions de télévision, les tableaux, les photographies et les logiciels informatiques » (Gouvernement du Canada 2021, p. 3).
Bien que la durée de vie plus 50 ans soit la durée minimale requise pour le droit d’auteur en vertu de la Convention de Berne pour la Protection des œuvres littéraires et artistiques (1979), cette mesure aligne la durée du droit d’auteur canadien sur celle de plus de 80 autres pays avec une durée de vie plus 70 ans ou plus longtemps, y compris ses partenaires de traités — les États-Unis et le Mexique — et de nombreux autres partenaires commerciaux du Canada, dont l’Australie, l’UE, le Japon, le Royaume-Uni et la Corée du Sud (Gouvernement du Canada 2021).
L’ACEUM a été signée en novembre 2018 et est entrée en vigueur le 1er juillet 2020. Le gouvernement du Canada est tenu de mettre en œuvre la prolongation du mandat d’ici la fin de 2022, ce qui lui laisse le temps de gérer cette transition et d’envisager la possibilité de mettre en œuvre des mesures supplémentaires pour atténuer les effets de l’extension.
Consultation sur les mesures d’accompagnement
Reconnaissant que cette extension de la durée du droit d’auteur affecte divers groupes de parties prenantes, en particulier en ce qui concerne les œuvres orphelines (celles pour lesquelles le titulaire du droit d’auteur est inconnu ou introuvable) et les œuvres hors commerce (celles qui sont protégées par le droit d’auteur mais non accessibles commercialement, par exemple, un livre qui est épuisé), le gouvernement du Canada a tenu une consultation sur la mise en œuvre de la prolongation de la durée du droit d’auteur.
Entre février et mars 2021, il a demandé des commentaires sur la question de savoir si des mesures devaient être prises pour atténuer les implications potentielles de la prolongation. Le document Une consultation sur la façon de mettre en oevre la prolongation de la durée de protection générale du droit d’auteur au Canada (Gouvernement de Canada 2021) fournit des renseignements généraux sur la prolongation et ses implications potentielles et propose cinq options à considérer :
- « Option 1 – Étendre le régime canadien des œuvres orphelines / l’élargier aux œuvres inaccessibles sur le marché » (p. 11)
- « Option 2 – Adopter un ou des régimes de licences collectives visant à favoriser l’accès aux œuvres orphelines et/ou aux œuvres inaccessibles sur le marché. » (p. 12)
- « Option 3 – Permettre l’utilisation des œuvres orphelines et/ou des œuvres inaccessibles sur le marché, en laissant la possibilité au titulaire de réclamer une rémunération équitable. » (p. 12)
- « Option 4 – Créer une exception concernant l’utilisation des œuvres au cours des 20 dernières années du droit d’auteur. » (p. 13)
- « Option 5 – Créer une exception pour l’utilisation des œuvres à partir de la centième année depuis leur création » (p. 13)
Le rapport du Comité INDU
La consultation prendra également en considération Examen prévu par la loi de la loi sur le droit d’auteur : Rapport du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (le Comité INDU).
Le rapport du Comité reconnaît l’opposition à la prolongation de la durée du droit d’auteur et recommande (Recommandation 6) « Que, en cas de prolongation de la durée du droit d’auteur, le gouvernement du Canada envisage de modifier la Loi sur le droit d’auteur pour s’assurer qu’un droit d’auteur à l’égard d’une œuvre ne puisse être appliqué au-delà de la durée actuelle du droit d’auteur à moins que la violation alléguée ne soit survenu après l’enregistrement de l’œuvre » (Ruimy, 2019, p. 4). Cependant, le document de consultation indiquait qu’une exigence d’enregistrement pour les œuvres étrangères peut violer les obligations du Canada en vertu de divers traités, dont celui de Berne (Gouvernement du Canada 2021, p. 10).
La réponse globale à la prolongation
La signature d’ACEUM a été largement couverte par la presse, y compris par CBC News, avec une certaine opposition exprimée à sa disposition d’extension du droit d’auteur. Par exemple, le chanteur Bryan Adams a fait valoir que cela profitait aux maisons de disques et autres détenteurs de droits d’auteur plutôt qu’aux créateurs. Un article du Financial Post prédit que le prolongation du droit d’auteur affectera négativement le secteur technologique ainsi que le secteur culturel, car elle s’applique aux bases de données et peut conduire à des appels à des droits de propriété intellectuelle plus stricts sur les données.
La réponse des parties prenantes a été divisée. Les détenteurs de droits d’auteur et certains créateurs de contenu ont eu tendance à le soutenir, tandis que les groupes d’utilisateurs, notamment les bibliothèques, les archives, les éducateurs et d’autres utilisateurs de contenu – y compris certains créateurs de contenu – ont tendance à s’y opposer.
Les partisans soutiennent que la prolongation de la durée générale du droit d’auteur augmente les opportunités de monétisation du contenu protégé par le droit d’auteur, cela augmentera la valeur du contenu et encouragera un investissement accru dans la création de contenu (Ruimy 2019). Les partisans soutiennent également que la mesure uniformise les règles du jeu pour l’exportation de contenu sur le marché international.
Les opposants soutiennent que cela réduira considérablement l’accès au contenu, d’autant plus qu’il conduira à une période de 20 ans pendant laquelle aucune œuvre n’entrera dans le domaine public. Ils notent également que l’extension affectera particulièrement les œuvres orphelines et indisponibles, dont beaucoup ont une valeur significative pour les chercheurs et le public mais peu ou pas de valeur commerciale.
Réponse à ACEUM et à la consultation de partenariat INKE
Le prolongation de la durée du droit d’auteur a suscité de nombreuses réponses de la communauté universitaire, y compris de l’Association des bibliothèques de recherche du Canada (ABRC), un partenaire d’INKE.
L’ABRC et la Fédération canadienne des associations de bibliothèques (FCAB) ont publié une réponse conjointe au document de consultation (en anglaise seulement) en mars 2021, approuvée par le Conseil des bibliothèques urbaines du Canada (CULC) et l’Association canadienne des bibliothèques de droit (ACBD). Cette réponse indique que la communauté canadienne des bibliothèques s’oppose au terme de droit d’auteur, citant deux problèmes clés :
- la diminution du domaine public, notamment en raison de la période de 20 ans pendant laquelle aucune d’œuvres n’y pénètre
- Les problèmes concernant l’utilisation et l’accès aux œuvres orphelines et hors commerce, qui créent des charges supplémentaires pour les bibliothèques, les archives et les musées. (FCAB et ABRC)
Il comprend une annexe énumérant des exemples de la façon dont l’extension du droit d’auteur affectera les communautés des bibliothèques, des archives, et des musées (annexe 1).
La réponse soutient l’option 3 du document de consultation et recommande des mesures politiques pour la rendre efficace pour répondre aux besoins des bibliothèques, des archives et des musées et des titulaires de droits. Il soutient également dans l’ensemble l’option 5 en combinaison avec l’option 3. Il note cependant que les deux mesures sont complexes et nécessitent une étude et une consultation plus approfondies. Il soutient également la proposition de l’INDU d’un système d’enregistrement, dans lequel les titulaires de droits doivent enregistrer leurs œuvres pour que l’extension du droit d’auteur de 20 ans s’applique, mais note qu’il existe de nombreux systèmes d’enregistrement possibles et que ceux-ci devraient faire l’objet d’une enquête approfondie avant qu’une décision ne soit prise.
La réponse de l’ABRC et de l’FCAB énumère également quelques recommandations supplémentaires qui sont reprises dans les réponses d’autres membres de la communauté universitaire.
Réponse de la communauté universitaire élargie
Toutes les réponses des parties prenantes au document de consultation sont disponibles en ligne. Les réponses de la communauté savante à travers le Canada (bibliothèques, associations de bibliothèques et associations universitaires) mettent l’accent sur les effets négatifs potentiels de la prolongation de la durée du droit d’auteur sur leur mission de service public, en particulier leur capacité à mettre des ressources et du matériel à la disposition des utilisateurs, notamment grâce à la numérisation.
Plusieurs de ces réponses appuient la réponse de l’ABRC et de l’ALFC, qui a été soumise au nom de leurs membres. La plupart de ces réponses font écho à l’appui de cette réponse à l’option 3 dans le document de consultation avec certaines modifications pour qu’elle représente mieux les besoins des communautés et des établissements de recherche et d’enseignement. Certains prennent également en charge l’option 3 en combinaison avec l’option 5.
De nombreuses réponses examinées ici ont offert des recommandations supplémentaires au-delà des options présentées dans le document de consultation.
La plupart demandent que la communauté éducative (établissements d’enseignement, chercheurs, instructeurs et autres utilisateurs) soit prise en compte au même titre que les bibliothèques, associations de bibliothèques et associations universitaires. La réponse d’Universités Canada (2021), par exemple, appelle le gouvernement à élargir la portée proposée des mesures pour inclure les établissements d’enseignement et couvrir à la fois les étudiants et les employés de ces établissements.
L’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) et les réponses de l’ABRC et de l’ALFC notent que la législation canadienne sur le droit d’auteur, y compris le terme général de droit d’auteur, doit respecter et traiter les connaissances autochtones. Le Conseil canadien des archives (CCA) souligne que « le système de droit d’auteur représenté dans la Loi est fondé sur l’idée que le droit d’auteur appartient à un auteur et que la durée du droit d’auteur est basée sur la vie de cet auteur. Ce système ne reflète pas l’approche autochtone fondée sur la propriété communautaire des histoires, des chants, des danses, des noms et d’autres créations, et sur le principe que cette propriété est perpétuelle. » (2021, p. 16).
Beaucoup font remarquer que, puisque l’ACEUM prolonge la propriété du droit d’auteur de 20 ans, d’autres aspects du droit d’auteur canadien doivent être révisés afin de maintenir un équilibre entre les droits des créateurs et les droits des utilisateurs, un équilibre réclamé par la Cour suprême dans plusieurs décisions sur le droit d’auteur. Cela inclut la garantie d’une responsabilité limitée pour des bibliothèques, des archives et des musées pour l’utilisation d’œuvres orphelines et indisponibles. Cela garantirait que, si un détenteur de droits d’auteur faisait valoir ses droits sur un élément, l’organisation ne serait pas responsable de l’utilisation passée de celui-ci. Cela les encouragerait à rendre ces œuvres disponibles car, sans cela, ils risquent des règlements coûteux même s’ils ont recherché le titulaire du droit d’auteur de bonne foi. Comme le note la réponse de CARL et ALFC (2021), une disposition sur les œuvres orphelines et les œuvres indisponibles sans limitation de responsabilité est un exercice de gestion des risques, plutôt qu’une véritable protection contre la responsabilité.
En outre, plusieurs réponses appellent à une meilleure clarté autour des définitions des termes clés, notamment « disponible dans le commerce » et « hors commerce ». La Loi sur le droit d’auteur définit actuellement les œuvres comme « disponibles dans le commerce » si elles peuvent être trouvées sur le marché canadien avec un effort raisonnable et si elles peuvent être concédées sous licence par l’intermédiaire d’une société collective, mais plusieurs répondants soutiennent que la définition devrait être modifiée pour supprimer la possibilité de concéder sous licence les travailler à travers une société collective.
Quelques répondants, dont l’ACPPU et l’Université de Winnipeg, ont exprimé leur soutien à une stratégie de réversion des droits, dans laquelle les droits d’une œuvre reviendraient à son créateur après 25 ans, conformément à la loi américaine sur le droit d’auteur, pour empêcher les œuvres qui ont de la valeur au public de dépérir avec des ayants droit qui ne bénéficient plus du droit d’auteur (BCLA 2021).
Pour compenser les effets de la prolongation de la durée et pour aligner les exceptions canadiennes et américaines au droit d’auteur, de nombreuses réponses demandent également un élargissement des dispositions canadiennes sur l’utilisation équitable afin de les aligner sur les dispositions américaines. Ils suggèrent de réviser la liste des fins d’utilisation équitable énumérées à l’article 29 de la Loi sur le droit d’auteur afin qu’elle soit illustrative plutôt que définitive. Comme l’indique l’ACPPU (2021), cet amendement mettrait les utilisateurs canadiens sur un pied d’égalité avec leurs homologues américains lorsqu’ils accèdent et utilisent matière de contenu.
De nombreux répondants ont écrit en faveur du système d’enregistrement décrit dans le rapport INDU ou quelque chose de similaire. Universités Canada (2021) note que cet enregistrement devrait être conçu avec soin et en consultation avec les parties prenantes pour empêcher l’enregistrement spéculatif par des mauvaise joueurs. L’ABRC et l’ALFC (2021) soulignent que le système décrit par INDU n’est qu’un modèle possible et que davantage de recherches et de consultations sont nécessaires pour déterminer la meilleure option.
La nécessité d’une conception minutieuse de l’infrastructure et des processus administratifs était un autre thème commun. Plusieurs réponses soulignent la nécessité de normes raisonnables pour les efforts visant à localiser les titulaires de droits et la tenue des dossiers associée. Le British Columbia Library Association (BCLA) note que ces normes devraient être établies par la communauté. Le CCA souligne que les archives détiennent un grand nombre d’œuvres orphelines, dont plusieurs ne sont pas publiées – une seule collection peut contenir des milliers d’articles individuels. Des normes raisonnables et des exigences en matière de tenue de dossiers sont nécessaires pour éviter que le fardeau administratif ne limite l’accès aux documents.
Plusieurs réponses demandent également que tout amendement à la Loi sur le droit d’auteur soit fait en tant que loi autonome, plutôt que dans le cadre d’un projet de loi omnibus, afin qu’ils reçoivent l’attention et le débat nécessaires.
La prolongation de la période générale du droit d’auteur et la science ouverte
La prolongation de la période de la protection du droit d’auteur limitera les types de matériel que les bibliothèques, des archives, et des musées et la communauté éducative peuvent mettre à la disposition de la communauté au sens large. Plusieurs des réponses offrent des exemples de la façon dont cette politique affectera la recherche, l’enseignement et d’autres activités savantes. La prolongation du mandat aura un impact particulier sur les efforts visant à numériser les anciens documents du patrimoine communautaire et à les rendre disponibles en ligne. Par exemple, la numérisation des journaux communautaires, des photographies, des publications d’organisations communautaires et d’autres éléments patrimoniaux importants sera interrompue et ne sera pas mise à la disposition des communautés plus larges qui bénéficieraient de la possibilité d’accéder à ces documents.
Ouvrages citées
ACPPU (L’Association canadienne des professeures et professeurs d’université. 2021. Restore Balance: Submission to the Federal Consultation on How to Implement an Extended General Term of Copyright Protection in Canada. mars 2021, https://www.caut.ca/sites/default/files/caut_ised_term_extension_consultation.pdf.
BCLA (British Columbia Library Association). 2021. British Columbia Library Association Submission to the Government of Canada Consultation on How to Implement an Extended General Term of Copyright Protection in Canada. 22 mars 2021. https://www.ic.gc.ca/eic/site/693.nsf/eng/00243.html.
CCA (Conseil canadien des archives). 2021. Réponse de la communauté archivistique à la « Consultation sur la façon de mettre en oevre la prolongation de la durée de protection Générale du droit d’auteur au Canada ». http://www.archivescanada.ca/uploads/files/News/CUSMAresponse_March28-2021.pdf
FCAB et ABRC (la Fédération canadienne des associations de bibliothèques et l’Association des bibliothèques de recherche du Canada). 2021. Joint Response to Consultation on Copyright Term Extension. 29 mars 2021. https://www.carl-abrc.ca/wp-content/uploads/2021/03/CFLA-CARL_Joint_Response_to_Consultation_on_Copyright_Term_Extension.pdf.
Gouvernement du Canada. 2021. Une consultation sur la façon de mettre en œuvre la prolongation de la durée de protection générale du droit d’auteur au Canada. Innovation, Sciences et Développement économique Canada. https://www.ic.gc.ca/eic/site/693.nsf/vwapj/Consultation-facon-prolongation-protection-droit-auteur-Canada-Fra.pdf/$file/Consultation-facon-prolongation-protection-droit-auteur-Canada-Fra.pdf.
Ruimy, Dan (président). 2019. Examen prévu par la loi de la lois ur le droit d’auteur : Rapport du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie. https://www.noscommunes.ca/Content/Committee/421/INDU/Reports/RP10537003/indurp16/indurp16-f.pdf.
Université de Winnipeg. 2021. Submission presented to Innovation, Science and Economic Development Canada on Implementing an Extended General Term of Copyright Protection in Canada. 30 mars 2021. https://www.ic.gc.ca/eic/site/693.nsf/eng/00309.html.
Universités Canada. 2021. Recommendations on Implementing an Extended General Term of Copyright Protection. Février 2021. https://www.ic.gc.ca/eic/site/693.nsf/eng/00305.html.